En guise de présentation

 

 

Dfune lecture hâtive et superficielle de ces poésies surgissent deux observations.

 

La première est que chaque poésie est un message de son auteur à son lecteur destiné à permettre à tous de se connaître, de se comprendre et de mieux sfattacher lfun à lfautre. Cette vérité brille de tout son éclat en ce qui me concerne. Je retourne vers mon passé, les temps heureux où jfaidais la jeunesse vietnamienne à escalader les pentes fleuries, mais souvent escarpées, de la littérature française. Jfavoue avoir commis une grande erreur, celle dfignorer la vie intérieure de mes étudiants, de ne voir en eux que des esprits sans âme dont toute lfactivité se déroule sur le plan intellectuel. Cette erreur monumentale produit lfeffet désastreux dfisoler la chaire professorale du banc des étudiants. Ils sont des voyageurs assis dans le même train et au bout du trajet descendent dans les gares sans se connaître . La seule excuse cfest que dans le monde, à part les quelques pays dfobédience confucéenne, la tradition universitaire nfexige pas que le maître soit en même temps chargé de fonction sacerdotale devienne un prêtre, un confesseur. Dans le Vietnam dfhier le problème des relations entre maîtres et élèves a reçu la même solution que celui des relations entre pères et enfants.

 

Cette tradition millénaire a laissé des traces évanescentes dans le Vienam dfaujourdfhui. Mais si lf élève respecte son maître à lfégal de son père, il ne sfensuit pas que le maître ait de lfélève une meilleure connaissance et compréhension comme le père à lfégard de son enfant. Cfest le reproche que je mfadresse quand jfexamine mes relations avec Nguyen Dinh Nam.

 

A lfépoque où il suivait mes cours, je savais de lui qufil est un brilliant sujet dont lfintelligence dépasse en finesse celle de ses camarades. Il se distingue par son amour de la culture dont il pousse haut le niveau, et loin, lfétendue. Il nfen faut pas plus pour que naisse entre nous une sympathie qui se mue en une amitié solide. Nous nous rencontrons souvent au gré de nos loisirs et de nos besoins. Mais quand je remonte dans la personnalité de Nam, jfavoue à ma grande honte que tout ce que je connais de mon ami nfa trait quf à lfintellectualité de son être dont jfai pu mesurer la richesse et la variété. Lfâme a ses secrets, le coeur ses mystères. Cette terra incognita ne se prête pas à lfexploration. Les trésors du sentiment ressemblent aux fruits dont la cueillette ne peut sfeffectuer au gré de lfamateur. Il faut attendre le temps de la maturation et le fruit tombe de lui-même.

 

En fait ces poésies ne datent pas dfhier. Elles ont été composées depuis les temps lointains où le poète vivait les états dfâme qufil décrivait, mais pour le lecteur cfest une découverte. Je découvre ce que jfignorais grâce à quoi je peux compléter lfimage que jfignorais de Nam. Il nfétait pas un pur intellectuel féru de culture professant un dédain complet des réalités au milieu desquelles il vivait. Non, il nfest pas un pur esprit dont lfintelligence fonctionne dans un monde supraterrestre. Au contraire, nanti dfun tempérament passionné, il a des yeux pour regarder les merveilles du monde, admirer les jeunes beautés qui sfy pavanent, il a une bouche pour soupirer dfamour, lancer des déclarations enflammées. Bref, il nfest pas une intelligence qui évolue dans le monde des esprits, jongle avec les pensées, il est aussi un corps pourvu de sens, il vit dans le réel, au milieu des réalités. Mais les soupirs qufil lance restent sans écho et les hommages qufil adresse sont accueillis par une froide indifférence. Félicitons-nous en. Il nfest pas dfexemple qufun amour heureux parce que partagé puisse enflammer lfinspiration poétique. Seules des passions contrariées, les amours restés sans echo inspirent le poète. Notons que parmi les beautés dont lfimage traverse lfoeuvre, figure la jeune Vu Thi Chin qui deviendra lfépouse du poète. Le message lancé par le poète atteint son but: Nam sfest dessiné un portrait complet. Lfhomme qufil représente offre un harmonieux équilibre entre lfesprit et le corps, entre lfintelligence et le coeur.

 

La seconde observation concerne lfimpact du milieu sur lfêtre. Nous ne possédons pas lfinventaire complet des rencontres qufil a faites, des gens qufil a fréquentés . Mais ce qui apparaît nettement dans ce volume nous permet de saisir lfimportance de lfinfluence que le milieu politique exerce sur le poète. Les dirigeants savent bien que pour acclimater une idée ou une doctrine dans un milieu humain , lfinculquer dans lfesprit des gens, lfenraciner dans leur conscience, faire dfelle le principle de lfaction, un enseignement direct est insuffisant. Il faut laisser à la patience et à la longueur du temps la possibilité de jouer leur rôle, permettre à lfeau qui tombe goutte à goutte de finir par transpercer le rocher. Mieux encore, il faut que les yeux où qu'ils se tournent, se heurtent aux mêmes formules dfaction et mots dfordre. Il faut que les mêmes slogans soient répétés sans arrêt par les bouches et frappent le tympan de toutes les oreilles. Il faut que les honneurs et distinctions honorifiques et en premier lieu, lfadmission au Parti dirigeant, récompensent le zèle des gens qui appliquent consciencieusement les ordres lances par les dirigeants. Dans une maison en proie aux flammes, le même feu brûle les gens qui se trouvent enfermés.

 

Dans ce recueil aucun poème nféclaire le lecteur sur les sentiments du poète à lfégard du communisme, le phénomène bouleversant du 20e siècle. Mais on y trouve dans une sincérité éblouissante lfhommage de respect et dfadmiration envers le leader que le peuple entier idolâtre: Ho Chi Minh.

 

Cher ami, merci pour ton receuil. Il mfa aidé à corriger lferreur que jfai commise dans les temps anciens quand sur la foi des considérations subjectives, a priori, je me figurais que tu étais un intellectuel que nfembrasent pas les tourments du coeur, les émois du sentiment. Lfimage que je compose de toi, sans être fausse, nfexprimait que la partie la plus importante de ta personnalité, mais oubliait le reste, donnait une image incomplete certes, mais non fausse. Maintenant grace à ton initiative de réunir tes oeuvres de jeunesse en un recueil, je suis parvenu à me donner de toi, de ta personnalité, un portrait absolument véridique qui reflète le totalité de ton être, dans sa richesse, sa variété, sa plénitude intégrale et attrayante. Encore une fois merci. De tfavoir mieux connu, je tfen aime davantage.

 

 

3 Janvier 1995

En la 87è année de ma vie

Nguyen Manh Tuong *)

 

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*) Lut sư Nguyễn Mạnh Tường (1909-1997), người Việt Nam duy nhất đậu hai bằng Tiến sỹ Luật khoa và Tiến sỹ Văn chương năm 23 tuổi ở Pháp (Đại học Montpellier). Về nước, lúc đầu ông dạy học tại trường Trung học Bảo hộ (Lycée du Protectorat). Sau ông bỏ trường, mở văn phòng luật sư. Ông tham gia kháng chiến chống Pháp đến khi hòa bình lập lại (1954) thì trở về Hà Nội và làm giáo sư trường Đại học Văn khoa (nay là Đại học Quốc gia Hà Nội). Ngày 30 tháng 10 năm 1956 tại một phiên họp của Mặt trận Tổ quốc ở Hà Nội, LS Nguyễn Mạnh Tường, với tư cách thành viên của Mặt trận Tổ quốc, đã đọc một bài diễn văn phân tích sâu sắc những sai lầm của Đảng và Nhà nước trong cải cách ruộng đất và đề ra phương hướng để tránh mắc lại sai lầm. Vì phát biểu này ông Tường đã bị tước hết mọi chức vụ và danh vị nghề nghiệp và phải sống khó khăn thiếu thốn. Năm 1991, nhân dịp được phép sang Pháp ông đã in và phát hành cuốn sách tự thuật Lfexcommunié (Kẻ bị khai trừ) (xuất bản năm 1992). Ông mất năm 1997 tại Hà Nội, hưởng thọ 88 tuổi.